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Contrôle au faciès en France : la CEDH retient le caractère discriminatoire de contrôles d'identité

Contrôle au faciès en France : la CEDH retient le caractère discriminatoire de contrôles d'identité

Publié le : 27/06/2025 27 juin juin 06 2025

La CEDH a retenu la violation par la France du droit au respect de la vie privée et de l’interdiction des discriminations quant à l’allégation du caractère discriminatoire des contrôles d’identité subis par un des six requérants (CEDH, 26/06/2025, Arrêt Seydi et autres c. France, requête n°35844/17),

Dans chacune des situations, la Cour vérifiait si les juridictions internes avaient bien recherché la réalité d’un motif discriminatoire (volet procédural) avant de vérifier si le cadre juridique et administratif français ne révélait pas de défaillance structurelle sur le sujet. Il appartient effectivements aux Etats membres du Conseil de l’Europe d’établir l’existence d’éléments objectifs justifiant les contrôles qui doivent être étrangers à toute discrimination (volet matériel).
 

Les faits

 

Les six requérants ont fait l’objet de contrôles d’identité plus au moins sous tension.

 

Les six sont français et ont des origines : Mounir Seydi, Dia Abdillahi, Bocar Niane, Karim Touil, Amine Mohamed Dif et Lyes Kaouah,

 

Ils sont nés entre 1979 et 1991, et résidaient à Roubaix, Marseille, Vaulx-en-Velin, Saint-Ouen et Besançon.

 

Karim Touil, l’un des requérants, a fait l’objet de trois contrôles d’identité en dix jours, dont deux le même jour.
 

La procédure

 

Le 2 mars 2012, les six requérants adressèrent un courrier au ministre de l’Intérieur afin que leur soient communiqués les motifs des contrôles dont ils avaient fait l’objet. Le ministère répondit qu’il allait saisir la direction générale de la police nationale aux fins de réalisation d’un examen.

 

En l’absence de suite donnée, les requérants assignèrent l’agent judiciaire de l’État et le ministre de l’Intérieur devant le tribunal de grande instance (TGI) de Paris (devenu tribunal judiciaire), en vue de faire reconnaître la responsabilité de l’État pour fonctionnement défectueux du service public de la justice sur le fondement de l’article L. 141-1 du code de l’organisation judiciaire (COJ) en raison de contrôles d’identité jugés par eux discriminatoires. Les policiers impliqués ne furent pas identifiés et, en l’absence de suite pénale, aucune trace des contrôles ne fut gardée.

 

Par six jugements du 2 octobre 2013, le TGI de Paris débouta les requérants.

 

Chaque requérant releva appel du jugement le concernant. Le Défenseur des droits intervint dans chaque procédure. Par six arrêts du 24 juin 2015, la cour d’appel de Paris confirma les jugements du TGI. Tous les arrêts d’appel conclurent à l’absence de discrimination.

 

Les requérants se pourvurent en cassation. Par six arrêts du 9 novembre 2016, la Cour de cassation rejeta les pourvois des requérants en excluant l’existence d’une faute lourde et d’une discrimination.

 

Après avoir épuisé les voies de recours interne, les requérants ont saisi la CEDH.
 

Les griefs invoqués devant la CEDH

 

Au soutien de leur requête, les requérants invoquaient les articles 8 (droit au respect de la vie privée) et 14 (interdiction de la discrimination).

 

Plus précisément, les requérants qualifient de profilage racial ou « contrôles au faciès » les contrôles d’identité dont ils ont fait l’objet, qui porteraient atteinte à leur vie privée et qu’ils qualifient de discriminatoires.

 

Les requérants invoquaient également l’article 13 (droit à un recours effectif), en se plaignant de n’avoir pas disposé d’un recours effectif leur permettant de faire examiner le grief qu’ils ont formulé sur le terrain de l’article 14 combiné avec son article 8.
 

Non violation de la convention dans 5 cas sur 6


Sur le volet procédural, la CEDH a vérifier si les juridictions internes avaient recherché si les comportements que les requérants dénonçaient étaient constitutifs ou non d’une faute lourde imputable à l’Etat.

 

Sur ce point, la CEDH relève en particulier que la cour d’appel et la Cour de cassation ont analysé les situations dénoncées à la lumière d’instruments internationaux prohibant la discrimination, notamment la Convention et la jurisprudence de la Cour, et ont déduit de l’absence de traçabilité des contrôles d’identité en France qu’il était nécessaire d’aménager la charge de la preuve.

 

Sur le volet procédural, la CEDH a vérifier si les juridictions internes avaient recherché si les comportements que les requérants dénonçaient étaient constitutifs ou non d’une faute lourde imputable à l’Etat.

 

Sur ce point, la CEDH relève en particulier que la cour d’appel et la Cour de cassation ont analysé les situations dénoncées à la lumière d’instruments internationaux prohibant la discrimination, notamment la Convention et la jurisprudence de la Cour, et ont déduit de l’absence de traçabilité des contrôles d’identité en France qu’il était nécessaire d’aménager la charge de la preuve.

 

En effet, les requérants comme tous ceux qui subissent un contrôle d’identité se heurte à une difficile voire impossible traçabilité (aucun élément ni document n’est communiqué aux personnes après un contrôle pour le justifier et prouver sa réalité).

 

Dans ce contexte, les juridictions internes ont aménagé la charge de la preuve et considéré que les requérants pouvaient établir l’existence d’un commencement de preuve d’une différence de traitement caractérisant une présomption de discrimination par un faisceau de circonstances graves, précises et concordantes et ont ajouté que dans un tel cas, il revenait à l’autorité publique de démontrer le caractère justifié de la différence de traitement.

 

Pour apporter la preuve de la discrimination, la CEDH relève que les juridictions internes ont considéré que le faisceau de circonstances graves, précises et concordantes exigé pouvait être constitué notamment par des rapports statistiques d’ordre général, par des circonstances de fait et de droit entourant les contrôles et par des témoignages de tiers ayant assisté aux contrôles, liés ou non à la personne contrôlée.

 

Or en l’espèce, la CEDH constate que les juridictions internes ont recherché le caractère discriminatoire et n’ont pu que constater que 5 des 6 requérants n’apportaient pas de commencement de preuve du caractère prétendument discriminatoire des contrôles (volet procédural).

 

Par ailleurs, la CEDH n’a pas constaté de faille structurelle dans le cadre juridique et administratif français (volet matériel).

 

La Cour conclut alors à la non-violation par la France du droit au respect de la vie privée et de l’interdiction des discriminations pour 5 des 6 requérants.
 

Violation de la Convention dans un cas sur six

La situation de Monsieur Karim TOUIL est différente.

 

La Cour a en effet constaté que le requérant produisait des statistiques révélant qu’est « sur contrôlée » une certaine catégorie de la population à laquelle il dit appartenir.

 

De plus, il a fait l’objet de trois contrôles d’identité en l’espace de dix jours, dont deux la même journée et, s’agissant du contrôle du 22 novembre 2011, aucune base légale n’a été avancée.

 

Le premier contrôle du 1er décembre 2011 ne rentrait pas dans le cadre temporel prescrit par la réquisition du procureur.

 

En ce qui concerne le second contrôle du 1er décembre 2011, effectué dans le cadre temporel d’une réquisition, la Cour a constaté qu’il ressort de plusieurs témoignages que le requérant a subi, au cours de l’opération, des insultes, des propos déplacés sur sa corpulence et même de la violence physique de l’un des policiers (gifle).

C’est au regard de l’ensemble des circonstances entourant les trois contrôles, dont l’un a été réalisé en dehors de toute base légale, combinées à la fois entre elles et avec les rapports et données statistiques officiels dénonçant l’existence de cas de profilage racial dans les contrôles d’identité en France, que la CEDH a considéré qu’un faisceau d’indices graves, précis et concordants de nature à créer une présomption de discrimination avait été apporté par le requrérant.

 

La charge de la preuve a donc été transférée au Gouvernement qui n’a apporté, pour aucun des trois contrôles, de justification objective et raisonnable au choix de viser Monsieur Karim Touil.

 

La Cour conclut qu’il existe donc à son égard une présomption de traitement discriminatoire que le Gouvernement n’est pas parvenu à réfuter.

 

Il y a donc eu violation de l’article 14 de la Convention combiné avec l’article 8.

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