
In limine litis : non-conformité totale de l'article 385 du code de procédure pénale dans son ancienne rédaction
L’article 385 du code de procédure pénale est non-conforme à la Constitution en ce qu’il prévoit que, devant le tribunal correctionnel, les exceptions de nullité doivent être présentées avant toute défense au fond (Décision n° 2025-1149 QPC du 18 juillet 2025).
Pour ce faire, le Conseil constitutionnel considère que l’article 385 du CPP méconnait le droit à un recours juridictionnel effectif et les droits de la défense.
L'article 385 du code de procédure pénale ?
L’article 385 du CPP prévoyait, dans ses dispositions antérieures et contestées, que :
« Lorsque la procédure dont il est saisi n’est pas renvoyée devant lui par la juridiction d’instruction, le tribunal statue sur les exceptions tirées de la nullité de la procédure antérieure.
« Dans tous les cas, les exceptions de nullité doivent être présentées avant toute défense au fond ».
Ainsi, le tribunal correctionnel a qualité pour constater les nullités de la procédure antérieure, sauf lorsqu’il est saisi par le renvoi ordonné par une juridiction d’instruction. Les dispositions contestées prévoient donc que, dans tous les cas, les exceptions de nullité doivent être présentées avant toute défense au fond (in limine litis - « Au seuil du procès »).
Il résulte de la jurisprudence constante de la Cour de cassation que de telles exceptions sont irrecevables si elles n’ont pas été soulevées avant toute défense au fond devant le tribunal correctionnel.
Elles ne peuvent pas non plus être présentées pour la première fois en appel.
Ces dispositions permettent au prévenu, jusqu’à la présentation de sa défense au fond devant le tribunal correctionnel, de soulever les moyens tirés de la nullité de la procédure antérieure dont il a pu avoir connaissance, sous réserve des conditions applicables en cas d’instruction préparatoire.
Problème ?
En dehors d’une jurisprudence constante de la Cour de cassation, rien ne semble prévoir une justification à une telle règle de procédure.
C’est ainsi que le Conseil constitutionnel considère que ni les dispositions contestées ni aucune autre disposition législative ne prévoient d’exception à la règle de forclusion opposable à de tels moyens de nullité dans le cas où le prévenu n’aurait pu avoir connaissance de l’irrégularité d’un acte ou d’une pièce de procédure qu’après s’être défendu au fond.
Dès lors, les dispositions contestées méconnaissent le droit à un recours juridictionnel effectif et les droits de la défense.
Quels sont les effets de cette déclaration de non-conformité totale à la Constitution ?
Pour rappel, l’article 62 de la Constitution prévoit que « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l’article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d’une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d’être remis en cause ».
Il convient également de rappeler qu’en principe, la déclaration d’inconstitutionnalité doit bénéficier à l’auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel.
Cependant, les dispositions de l’article 62 de la Constitution réserve au Conseil constitutionnel le pouvoir tant de fixer la date de l’abrogation et de reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l’intervention de cette déclaration. Ces mêmes dispositions réservent également au Conseil constitutionnel le pouvoir de s’opposer à l’engagement de la responsabilité de l’État du fait des dispositions déclarées inconstitutionnelles ou d’en déterminer les conditions ou limites particulières.
Dans la présente, la QPC portait sur une rédaction antérieure de l’article 385 du CPP.
Le Conseil constitutionnel a alors décidé que la déclaration d’inconstitutionnalité peut être invoquée dans les instances non jugées définitivement à la date de publication de la présente décision lorsque la forclusion a été ou est opposée à un moyen de nullité qui n’a pu être connu avant que le prévenu présente sa défense au fond.
Il ajoute qu’il reviendra alors à la juridiction compétente de statuer sur ce moyen de nullité.
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