top of page

CRFPA : l’enseignant d’anglais à l’IEJ ne peut pas être l’examinateur de l’examen d’accès au CRFPA


CRFPA

 

Par une ordonnance obtenue par le cabinet, le juge des référés du Tribunal Administratif de Lyon a suspendu l’exécution de la délibération par laquelle le jury de l’examen d’accès au centre régional de formation professionnelle d’avocats (CRFPA) organisé par l’institut d’études judiciaires (IEJ) de l’université Jean Monnet de Saint-Etienne a ajourné une candidate aux épreuves d’admission à la session 2023 (TA Lyon, 10 janvier 2024, n°2311074).


Pour ce faire, le juge des référés constate l'illégalité du cumul de la qualité d'enseignant au sein de l'IEJ préparant au CRFPA et d'examinateur de l'examen d'accès au CRFPA organisé par ce même IEJ.


 

Les faits à l’origine de la critique de la présence d’un enseignant en tant qu’examinateur de l’examen d’accès au CRFPA

 

La requérante était une étudiante inscrite à l’IEJ de l’université Jean Monnet de Saint-Etienne aux fins de préparation de l’examen d’accès au CRFPA, pour la session 2023.

 

Admissible aux épreuves orales d’admission, la requérante n’a malheureusement pas été admise.

 

Il ne manquait que 3/280 points à la requérante pour être admise.

 

Ne comprenant pas ses notes, et ayant été destinataire de propos révélant la partialité de l’enseignant et examinateur d’anglais, la requérante a décidé d’ester en justice.

 

Il est important de préciser que la requérante en était à sa troisième tentative et qu’elle avait ainsi épuisé ses possibilités de soumettre aux épreuves de l’examen d’accès au CRFPA, conformément à l’article 52 du décret n°91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat. C’est sur ce fondement que le juge des référés a retenu l’urgence de la situation, nécessaire à toute procédure de référé-suspension (Article L. 521-1 du code de justice administrative) :

 

« 2. D’une part, la délibération en litige fait obstacle à l’inscription de Mme A. à l’école des avocats Rhône-Alpes pour la session qui a débuté au mois de janvier 2024 et la prive de la possibilité d’accéder à la profession d’avocat par la voie de l’examen, auquel elle s’est présentée trois fois. Compte tenu des conséquences de son échec à la session 2023 sur son projet professionnel, la condition d’urgence prévue à l’article L. 521-1 du code de justice administrative doit être regardée comme remplie, alors même que les inscriptions pour la session 2023 à l’école des avocats Rhône-Alpes sont closes. »

 

Les fondements juridiques interdisant à un enseignant de l’IEJ d’être examinateur de l’examen d’accès au CRFPA

 

 

 

« (…) Les membres de la commission sont tenus à une obligation de confidentialité. Ils ne peuvent enseigner dans une formation publique ou privée préparant à l'examen d'accès dans les centres régionaux de formation professionnelle d'avocats, ni être membres d'un jury de l'examen de l'année au titre de laquelle les sujets sont élaborés. (…) »

 

 

« Le président de chaque université organisant l'examen désigne le personnel chargé d'assurer le secrétariat du jury prévu à l'article 53 du décret du 27 novembre 1991 susvisé. Les membres du jury sont tenus à une obligation de confidentialité.
Les examinateurs et les membres du jury ne peuvent enseigner simultanément dans une formation publique et privée préparant à l'examen d'accès aux centres régionaux de formation professionnelle d'avocats au cours de l'année universitaire au titre de laquelle l'examen est organisé et l'année universitaire précédant celle-ci. »

 

En 2021, le Tribunal Administratif de Lyon considérait qu’il résultait de ces dispositions qu’afin de prévenir les conflits d’intérêts et de garantir l’égalité de traitement entre tous les candidats quelle que soit leur formation, les personnes en charge de la conception des épreuves ou de l’évaluation des candidats ne peuvent avoir par ailleurs pour activité, même accessoire, la préparation spécifique de candidats à l’examen dans le cadre des organismes de formation, tant publics que privés, qui interviennent dans ce secteur concurrentiel (Tribunal administratif de Lyon, 8 juillet 2021, N° 2002605).

 

« 2. Aux termes du troisième alinéa de l’article 3 de l’arrêté susvisé du 17 octobre 2016, les membres de la commission nationale chargée d’élaborer les sujets des épreuves écrites d’admissibilité et d’harmoniser les critères de correction : « (…) ne peuvent enseigner dans une formation publique ou privée préparant à l'examen d'accès dans les centres régionaux de formation professionnelle d'avocats (…) ». Aux termes du troisième alinéa de l’article 4 du même arrêté : « Les examinateurs et les membres du jury ne peuvent enseigner simultanément dans une formation publique et privée préparant à l'examen d'accès aux centres régionaux de formation professionnelle d'avocats au cours de l'année universitaire au titre de laquelle l'examen est organisé et l'année universitaire précédant celle-ci ». Il résulte de ces dispositions qu’afin de prévenir les conflits d’intérêts et de garantir l’égalité de traitement entre tous les candidats quelle que soit leur formation, les personnes en charge de la conception des épreuves ou de l’évaluation des candidats ne peuvent avoir par ailleurs pour activité, même accessoire, la préparation spécifique de candidats à l’examen dans le cadre des organismes de formation, tant publics que privés, qui interviennent dans ce secteur concurrentiel.
 3. Il ressort des pièces du dossier que le sous-jury qui a examiné la prestation de Mme A. lors de l’épreuve du grand oral de l’examen d’entrée à l’école des avocats de la Région Rhône-Alpes était en particulier composé de Mme C., qui exerçait les fonctions de directrice de l’institut d’études judiciaires de Lyon et d’intervenante dans la préparation à l’examen d’accès au centre régional de formation professionnelle d’avocats. Il ressort en outre des pièces du dossier et n’est pas contesté par l’université que Mme C. a enseigné le 19 juin 2019 la matière « droits et libertés fondamentaux – aspects droit pénal » dans le cadre de la préparation à l’examen d’accès au centre régional de formation professionnelle d’avocats. Dans ces conditions, Mme A. est fondée à soutenir que la présence de Mme C. parmi les examinateurs chargés d’évaluer son grand oral a méconnu les dispositions précitées de l’arrêté du 17 octobre 2016. Alors notamment que la requérante a été ajournée avec une moyenne générale de 139,50/280, c’est-à-dire particulièrement proche de la moyenne, ce vice de procédure, qui affecte la désignation de la présidente du sous-jury qui a entendu la requérante, a été en l’espèce, de nature à exercer une influence sur le sens de la décision, entachant ainsi d’illégalité la délibération du jury qui l’a ajournée au titre de la session de 2019. »

 

Le Tribunal Administratif de Lyon considérait donc qu’était illégale la présence d’un intervenant de préparation publique ou privé parmi les examinateurs et membres du jury de l’examen d’accès au CRFPA. Encore fallait il démontrer que cette irrégularité de composition des examinateurs ou membres du jury de l’examen d’accès au CRFPA porte atteinte aux garanties essentielles apportées au candidat, à défaut de quoi la nullité de la décision n’aurait pu être prononcée conformément à la jurisprudence Danthony (Conseil d'État, Assemblée, 23/12/2011, 335033, Publié au recueil Lebon).

 

Sur ce dernier point, la Cour Administrative de Lyon écarte l’application de la jurisprudence Danthony et renforce ainsi les droits des candidats.

 

Par une décision du 29 septembre 2023 (CAA de LYON, 6ème chambre, 29 septembre 2023, 21LY02876) la Cour Administrative d’Appel de Lyon confirme et enrichi le jugement du 8 juillet 2021 du Tribunal Administratif de Lyon interdisant aux intervenants des préparations publiques (comme l’IEJ) ou privés d’être examinateurs ou membres du jury de l’examen d’accès au CRFPA (Tribunal administratif de Lyon, 8 juillet 2021, N° 2002605), dans ces termes :

 

« 3. Aux termes du troisième alinéa de l’article 3 de l’arrêté susvisé du 17 octobre 2016, les membres de la commission nationale chargée d’élaborer les sujets des épreuves écrites d’admissibilité et d’harmoniser les critères de correction : « (…) ne peuvent enseigner dans une formation publique ou privée préparant à l’examen d’accès dans les centres régionaux de formation professionnelle d’avocats, ni être membres d’un jury de l’examen de l’année au titre de laquelle les sujets sont élaborés. (…) ». Aux termes du troisième alinéa de l’article 4 du même arrêté : « Les examinateurs et les membres du jury ne peuvent enseigner simultanément dans une formation publique et privée préparant à l’examen d’accès aux centres régionaux de formation professionnelle d’avocats au cours de l’année universitaire au titre de laquelle l’examen est organisé et l’année universitaire précédant celle-ci ».
 4. Il ressort des pièces du dossier que Mme B… C…, directrice de l’institut d’études judiciaires de Lyon et intervenante, dans cet institut, dans la préparation à l’examen d’accès au centre régional de formation professionnelle d’avocats dans la matière « droits et libertés fondamentaux – aspects droit pénal » a également été nommée, la même année 2019, membre du sous-jury de l’épreuve du grand oral de l’examen d’entrée à l’école des avocats de la Région Rhône-Alpes qui a évalué la prestation de Mme X et membre du jury de cet examen. Toutefois, les dispositions de l’article 4 de l’arrêté du 17 octobre 2016 ne permettent pas qu’un enseignant dans une formation, publique ou privée, préparant à l’examen d’accès aux centres régionaux de formation professionnelle d’avocats soit, l’année de l’examen ou l’année précédant celui-ci, également examinateur ou membre de ce jury. Dès lors, les dispositions de l’article 4 de l’arrêté précité qui visent à garantir l’application des principes d’impartialité des membres du jury à l’examen d’entrée au centre régional de formation professionnelle d’avocats et d’égalité de traitement entre tous les candidats à cet examen, ont été méconnues. Cette irrégularité, qui ne constitue pas un vice affectant le déroulement d’une procédure administrative préalable mais concerne la composition du jury ayant pris la décision d’ajournement litigieuse, emporte l’annulation de la décision d’ajournement contestée.
 5. Il résulte de ce qui précède que l’université Jean Moulin – Lyon 3 n’est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 29 novembre 2019 par laquelle le jury de l’examen d’entrée au centre régional de formation professionnelle des avocats a ajourné Mme X. »

 

Par sa décision, la Cour Administrative d’Appel de Lyon confirme que les dispositions de l’article 4 de l’arrêté du 17 octobre 2016 ne permettent pas qu’un enseignant dans une formation, publique ou privée, préparant à l’examen d’accès aux centres régionaux de formation professionnelle d’avocats soit, l’année de l’examen ou l’année précédant celui-ci, également examinateur ou membre de ce jury.

 

La Cour Administrative d’Appel confirme également que les dispositions des articles 3 et 4 de l’arrêté susvisé visent à garantir l’application des principes d’impartialité des membres du jury à l’examen d’entrée au centre régional de formation professionnelle d’avocats et d’égalité de traitement entre tous les candidats à cet examen.

 

Au-delà de confirmer ces dispositions, la Cour Administrative d’Appel précise qu’une telle irrégularité ne constitue pas un vice affectant le déroulement d’une procédure administrative préalable mais concerne la composition du jury ayant pris la décision d’ajournement litigieuse. Dès lors, il semble que par cette précision la Cour Administrative d’Appel de Lyon considère qu’une telle irrégularité de composition des membres du jury ou des examinateurs n’est pas « Danthonysable » c’est-à-dire qu’une telle irrégularité n’est pas susceptible d’être écarté du débat au motif qu’elle n’aurait pas porté atteinte à une garantie essentielle du candidat, ce qui renforce la possibilité pour ce dernier de faire valoir ses droits tirés des principes d’impartialité des membres du jury à l’examen d’entrée au centre régional de formation professionnelle d’avocats et d’égalité de traitement entre tous les candidats.

 

Les motifs de la suspension tenant à l’interdiction faite aux enseignants de l’IEJ d’être examinateur de l’examen d’accès au CRFPA

 

Fort de ces interprétations du Tribunal Administratif de Lyon (Tribunal administratif de Lyon, 8 juillet 2021, N° 2002605) et de la Cour Administrative d’appel (CAA de LYON, 6ème chambre, 29 septembre 2023, 21LY02876) a considéré que :

 

« 3. D’autre part, en l’état de l’instruction, le moyen tiré de ce que, en vertu de l’article 4 de l’arrêté du 17 octobre 2016 fixant le programme et les modalités de l’examen d’accès au centre régional de formation professionnelle d’avocats, M. P. qui enseignait l’anglais pendant l’année de préparation de l’examen à l’institut d’études judicaires de l’université Jean Monnet de Saint-Etienne, ne pouvait être examinateur de l’épreuve d’anglais, apparaît propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la délibération par laquelle le jury de l’examen d’accès au centre régional de formation professionnelle d’avocats organisé par l’institut d’études judiciaires de l’université Jean Monnet de Saint-Etienne a ajourné Mme A. aux épreuves d’admission à la session 2023
4. Il résulte de ce qui précède que Mme A. est fondée à demander la suspension de l’exécution de cette délibération, jusqu’à ce qu’il soit statué au fond sur sa légalité. »

 

Ainsi, le juge des référés confirme que la seule concomitance entre les qualités d’enseignant à l’IEJ préparant au CRFPA et d’examinateur de l’examen d’accès au CRFPA est de nature à créer un doute sérieux sur la légalité des conditions d’examen et de tout acte les entérinant.

 

Dès lors, le juge des référés a suspendu l’exécution de la délibération par laquelle le jury de l’examen d’accès au centre régional de formation professionnelle d’avocats organisé par l’institut d’études judiciaires de l’université Jean Monnet de Saint-Etienne a ajourné la requérante aux épreuves d’admission à la session 2023, et a enjoint à l'université de réorganiser l'épreuve d'anglais au bénéfice de la requérante dans un délai de 15 jours.

Enfin, le juge des référés a condamné l’université à indemniser la requérante des frais de justice.

 

N.B. : le cabinet RD AVOCATS est compétent pour vous accompagner, en conseil et contentieux, dans vos problématiques de droit de l’éducation et droit de l’enseignement supérieur.

bottom of page