Actualités
Espace client
Fouilles intégrales systématiques et interdiction des traitements inhumains et dégradants

Fouilles intégrales systématiques et interdiction des traitements inhumains et dégradants

Publié le : 11/10/2025 11 octobre oct. 10 2025

Le Conseil d’Etat enjoint le centre pénitentiaire de Troyes-Lavau de prendre sans délai toutes mesures nécessaires pour que M. A... B... cesse de faire systématiquement l'objet d'une fouille intégrale après chaque visite au parloir, sauf à ce qu'une circonstance nouvelle justifie l’instauration d'un régime dérogatoire de fouille systématique dans les conditions définies à l'article L. 225-1 du code pénitentiaire (CE, 10 octobre 2025, 508612).

 

Faits et procédure : un détenu soumis à une fouille intégrale systématique après chaque parloir

 

En référé-liberté, M. A... B... demandait la suspension de l'exécution de la décision implicite révélée par laquelle l'administration pénitentiaire lui fait supporter un régime de fouilles intégrales systématiques.

 

Par une ordonnance n° 2503103 du 25 septembre 2025, le juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande, justifiant que le requérant interjette appel devant le Conseil d’Etat. 

 

Rappel de la nécessité de protéger les détenus de tout traitement inhumain et dégradant

 

Par cette ordonnance de référé-liberté, le Conseil d’Etat a rappelé qu’eu égard à la vulnérabilité des détenus et à leur situation d'entière dépendance vis à vis de l'administration, il appartient à celle-ci, et notamment aux directeurs des établissements pénitentiaires, en leur qualité de chefs de service, de prendre les mesures propres à leur éviter tout traitement inhumain ou dégradant afin de garantir le respect effectif des exigences découlant des principes rappelés notamment par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. 

 

En effet, le droit de ne pas être soumis à des traitements inhumains ou dégradants constitue une liberté fondamentale au sens des dispositions de l'article L. 521 2 du code de justice administrative. Dans ce cadre, le juge des référés peut prescrire toutes les mesures de nature à faire cesser la situation résultant de cette carence.

 

Les fouilles intégrales doivent être justifiées

 

L'article L. 225-1 du code pénitentiaire prévoit que :

 
“Hors les cas où les personnes détenues accèdent à l'établissement pénitentiaire sans être restées sous la surveillance constante de l'administration pénitentiaire ou des forces de police ou de gendarmerie, les fouilles intégrales des personnes détenues doivent être justifiées par la présomption d'une infraction ou par les risques que leur comportement fait courir à la sécurité des personnes et au maintien du bon ordre dans l'établissement.
 
Leur nature et leur fréquence sont strictement adaptées à ces nécessités et à la personnalité des personnes détenues.
 
Elles peuvent être réalisées de façon systématique lorsque les nécessités de l'ordre public et les contraintes du service public pénitentiaire l'imposent. Dans ce cas, le chef de l'établissement pénitentiaire doit prendre une décision pour une durée maximale de trois mois renouvelable après un nouvel examen de la situation de la personne détenue.”
 

L'article L. 225-3 du même code précise que :
 

"Les fouilles intégrales ne sont possibles que si les fouilles par palpation ou l'utilisation des moyens de détection électronique sont insuffisantes". 
 

En somme, dans les établissements pénitentiaires, les fouilles intégrales ne peuvent présenter de caractère systématique que dans les hypothèses et sous les conditions particulières prévues par la loi, notamment celles énoncées au troisième alinéa de l'article L. 225-1 précité, et qu'elles sont soumises à une triple condition de nécessité, de proportionnalité et de subsidiarité.

 

Application au cas d’espèce

 

Pour justifier la fouille systématique du requérant, l’administration pénitentiaire affirmait que :
 

  • chaque fouille depuis le 28 mai 2025 résulte d’une décision individuelle et motivée, enregistrée dans le système Genesis ;
     
  • les fouilles sont justifiées par :
     
    • le risque d’introduction d’objets interdits lors des visites,
       
    • le profil pénal lourd de M. B. (condamnations pour enlèvement et séquestration en bande organisée, mise en accusation pour meurtre, incidents passés d’introduction d’objets prohibés),
       
    • son inscription au répertoire DPS (détenus particulièrement signalés).
       

L’administration en déduit l’existence d’un risque persistant de communication illicite avec l’extérieur, justifiant les fouilles intégrales répétées.


De son côté, le Conseil d’État reconnaît que ces motifs peuvent justifier ponctuellement des fouilles intégrales. Mais il relève que :

  • le régime dérogatoire n’a pas été prolongé après le 28 mai 2025,
     
  • aucun nouvel incident n’a été constaté depuis,
     
  • d’autres mesures de sécurité (isolement, fouilles de cellule) existent,
     
  • et rien ne justifie que les fouilles continuent d’être systématiques après chaque parloir.
     

Dès lors, cette pratique constitue une atteinte grave et manifestement illégale au droit de ne pas subir de traitements inhumains ou dégradants (article L. 521-2 CJA).

 

Par conséquent, le Conseil d’État :
 

  • annule l’ordonnance du juge des référés de Châlons-en-Champagne,
     
  • ordonne au directeur du centre pénitentiaire de faire cesser immédiatement les fouilles systématiques après chaque visite, sauf si un nouveau régime dérogatoire est légalement instauré,
     
  • et condamne l’État à verser 3 000 euros à M. B. au titre des frais de justice (article L. 761-1 CJA).


N.B. : le cabinet RD AVOCATS est compétent pour vous accompagner dans toutes vos problématiques de protection de vos droits et de vos libertés fondamentales.


 

Historique

<< < 1 2 3 4 5 6 7 ... > >>
Navigateur non pris en charge

Le navigateur Internet Explorer que vous utilisez actuellement ne permet pas d'afficher ce site web correctement.

Nous vous conseillons de télécharger et d'utiliser un navigateur plus récent et sûr tel que Google Chrome, Microsoft Edge, Mozilla Firefox, ou Safari (pour Mac) par exemple.
OK