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Censure importante de la loi immigration



Pour motif de procédure (cavaliers législatifs) le Conseil constitutionnel censure 32 articles des 86 articles de la “loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration“ (Décision n° 2023-863 DC du 25 janvier 2024, Loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration).


Au fond, le Conseil constitutionnel censure totalement ou partiellement 3 articles et assortit 2 articles de réserves d’interprétation.


Parmi les censures importantes, celles sur l’article 1er relatif au débat annuel sur la fixation du nombre d’étrangers autorisés à s’installer en France ou celle de l’article 38 qui aurait permis le relevé des empreintes digitales & la prise de photographie d’un étranger sans son consentement.


Seuls 10 articles sur les 86 articles ont été déclarés conformes à la Constitution.


Sur les cavaliers législatifs


Le terme « cavalier » désigne, dans le jargon légistique, les dispositions contenues dans un projet ou une proposition de loi qui, en vertu des règles constitutionnelles ou organiques régissant la procédure législative, n'ont pas leur place dans le texte dans lequel le législateur a prétendu les faire figurer.


Par sa décision, le Conseil constitutionnel rappelle que, aux termes de la dernière phrase du premier alinéa de l’article 45 de la Constitution : « Sans préjudice de l’application des articles 40 et 41, tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu’il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis » et qu’il lui appartient de déclarer contraires à la Constitution les dispositions qui sont introduites en méconnaissance de cette règle de procédure.


En application d’une jurisprudence constante, le Conseil constitutionnel s’assure de l’existence d’un lien entre l’objet de l’amendement et celui de l’une au moins des dispositions du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie.


Depuis la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008, le Conseil constitutionnel ne déclare des dispositions contraires à l’article 45 de la Constitution que si un tel lien, même indirect, ne peut être identifié.


En l’absence d’un tel lien, lorsqu’il déclare inconstitutionnelles des dispositions de la loi, le Conseil constitutionnel ne préjuge pas de la conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles.


En l’espèce, le Conseil constitutionnel a donc considéré que 32 articles du projet de loi (ajoutés par amendement) ne présentait aucun lien avec le texte initial.


Sur le nombre d'étrangers autorisés à s'installer en France


Pour rappel, l’article 1er du projet de loi prévoyait la fixation par le Parlement du nombre d’étrangers autorisés à s’installer en France en imposant la tenue d’un débat annuel au Parlement sur les orientations pluriannuelles de la politique d’immigration et d’intégration et la remise par le Gouvernement d’un rapport au Parlement.


Ces dispositions prévoyaient en outre que le Parlement détermine, pour les trois années à venir, le nombre des étrangers admis à s’installer durablement en France, pour chacune des catégories de séjour à l’exception de l’asile, compte tenu de l’intérêt national, et précisaient que l’objectif en matière d’immigration familiale est établi dans le respect des principes qui s’attachent à ce droit.


Le Conseil constitutionnel a partiellement censuré cet article premier.


En effet, tout en admettant la constitutionnalité de la remise d’un rapport destiné à assurer l’information du Parlement, le Conseil constitutionnel juge qu’il ne résulte ni de l’article 48 de la Constitution ni d’aucune autre exigence constitutionnelle que le législateur peut imposer au Parlement l’organisation d’un débat en séance publique ou la fixation par ce dernier de certains objectifs chiffrés en matière d’immigration. Une telle obligation pourrait faire obstacle aux prérogatives que le Gouvernement ou chacune des assemblées, selon les cas, tiennent de la Constitution pour la fixation de l’ordre du jour.


Recueil des empreintes et prises de photographies sans consentement


Pour rappel, l’article 3 du projet de loi prévoyait que l’officier de police judiciaire aurait pu recourir à la contrainte pour procéder à la prise d’empreintes ou de photographie d’un étranger, en cas de refus caractérisé de ce dernier de se soumettre à ces opérations à l’occasion d’un contrôle aux frontières extérieures ou dans le cadre d’un placement en retenue aux fins de vérification de son droit de circulation ou de séjour sur le territoire français.


Ce recours à la contrainte n’aurait pas concerné les mineurs, aurait été strictement proportionné et aurait tenu compte de la vulnérabilité de la personne.


Le Conseil constitutionnel a rappelé le principe selon lequel la liberté personnelle ne saurait être entravée par une rigueur qui ne soit nécessaire (articles 2, 4 et 9 de la Déclaration de 1789).


À cette aune, il juge que, en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu faciliter l’identification des étrangers en situation irrégulière, poursuivant ainsi l’objectif de lutte contre l’immigration irrégulière qui participe de la sauvegarde de l’ordre public, objectif de valeur constitutionnelle.


Toutefois :


  • ces dispositions se bornent à prévoir que l’officier de police judiciaire qui décide de procéder à la prise d’empreintes ou de photographie sans le consentement de l’intéressé en informe (seulement) préalablement le procureur de la République. Ces opérations ne sont ainsi ni soumises à l’autorisation de ce magistrat, saisi d’une demande motivée en ce sens, ni subordonnées à la démonstration qu’elles constituent l’unique moyen d’identifier la personne qui refuse de s’y soumettre.


  • ni les dispositions contestées ni aucune autre disposition ne prévoient que, lorsque la personne contrôlée ou retenue a demandé l’assistance d’un avocat, la prise d’empreintes digitales ou de photographie sans son consentement doit être effectuée en la présence de ce dernier.


De ces motifs, le Conseil constitutionnel déduit que les dispositions contestées privent de garanties légales les exigences constitutionnelles précitées.


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